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  • LES MARIAGES ANCIENS EN PAYS BIGOUDEN

    Texte d'une conférence faite à Landudec par Serge DUIGOU, historien bigouden :

    Les mariages étaient autrefois des moments forts dans l'existence d'un individu, mais tout autant dans la vie d'une famille et d'une communauté paroissiale. L'absence de loisirs, de voyages, faisait d'une noce un événement d'une rare intensité où tous, petits et grands, étaient à la fête.

    Le mariage était une affaire éminemment sérieuse

    En même temps, le mariage était une affaire éminemment sérieuse. Le choix du conjoint n'était en rien laissé au hasard ; il fallait qu'il y ait correspondance d'intérêts, équivalence de biens, égalité de rang social entre famille des futurs. Parfois les fiancés n'avaient guère leur mot à dire ; on les mariait en projet alors qu'ils étaient encore enfants. L'amour arrivait quand même à l'occasion à se glisser dans les mariages des arrangements, mais un peu à titre facultatif.

    Le rôle de l'entremetteur

    Dans ces conditions, un personnage jouait le rôle clé : l'entremetteur, on disait autrefois le baz-valan, du bâton de genêt qui était l'insigne de sa fonction. Dans le pays bigouden, on l'appelait « ar houriter » ou le « koritour », le « faiseur de cour ». parce qu'il connaissait à merveille les fermes et les familles chez qui il travaillait à domicile, le tailleur était le baz-valan idéal. Il passait de longues heures à discuter avec les uns et les autres, pouvait détailler à loisir les moyens et possibilités financières des exploitations. C'était un spécialiste de la paroisse, à qui on « ne le faisait pas ».

    Le baz-valan renseignait les familles ayant fille ou garçon à marier sur les parties possibles, engageait de discrètes négociations, facilitait les contacts, ou dissuadait avec tact de poursuivre les préalables. Un auxiliaire fiable qui permettait à chacun de sauver la face quelle que fût l'issue.

    Trois jours de noces

    Le jour des noces, qui durait facilement trois jours, parfois plus, deux autres individus jouaient un rôle décisif : le garçon et la demoiselle d'honneur. A eux revenaient le soin de veiller à ce que chacun trouve son compte, que personne ne reste le gosier sec (suprême déshonneur un jour de noce), que les couples soient bien appariés – il faut faciliter les futurs mariages- que l'ambiance soit de la partie, mais sans excès ni provocations inutiles. Il fallait aussi des « grands valets » des cérémonies, boute-en-train et diplomates, décontractés mais fermes au besoin. Le choix judicieux du garçon et de la demoiselle d'honneur conditionnait le bon déroulement des réjouissances.

    Le rôle du recteur

    Le rôle du recteur apparaît parfois négativement. Certes, il officie à l'église et rappelle les devoirs des époux, les met en garde contre les tentations et traitrises de ce bas monde et les exhorte à mettre au monde de petits enfants de Dieu. Mais parfois, il va plus loin. Car le clergé, naguère, n'appréciait guère les danses, il les tolérait un jour de noces jusqu'au coucher du soleil. Gare aux resquilleurs!

    Il n'était pas exceptionnel, comme dans la paroisse de LANDUDEC entre les deux guerres, de voir Monsieur le recteur débarquer en pleines noces et mettre fin d'autorité aux festivités - quand il n'allait pas jusqu'à casser les instruments des sonneurs! A partir du moment où l'habitude a été prise de danser, non plus dans la cour de ferme mais dans une salle de danse du bourg ou d'un hameau-carrefour de routes, le tenancier trop laxiste et arrangeant pouvait se voir frapper d'excommunication. La colère de l'homme de Dieu redoublait quand il tombait sur des danses « kof ha kof », (ventre à ventre) valse, mazurka, scottish, qui en ville surtout, ont pris peu à peu le pas sur les gavottes, et qui étaient, dans son esprit, inspirées par satan lui même.

    La fête pour tous

    La noce était la fête de la collectivité, sans exclusive. Aussi invitait-on le ban et l'arrière ban de la parentèle, jusqu'aux lointains cousins perdus de vue depuis un mariage précédent ; on n'oubliait pas les voisins avec qui on formait des équipes les jours de grands travaux, tous ceux à qui on était lié par un réseau de services donnés et rendus. Cela faisait du monde, beaucoup de monde. Au centre Finistère, du côté de la montagne de BRASPARTS, POULLALOUEN ou SCIGNAC, des noces de trois cents, cinq cents, milles convives n'étaient pas rares. (il y en eu de plus de deux mille). En pays bigouden, on était un peu plus modeste.

    Les pauvres de la paroisse n'étaient pas oubliés, qui avaient droit, surtout le troisième jour, en fin de réjouissances, à leur quote-part. En contre-partie, ils promettaient, à force de prières et de présence aux pardons du canton, d'intercéder auprès de la Vierge et des Saints en faveur des mariés, de leurs parents et de leurs proches.

    La photo

    A partir des années 1890-1900, l'habitude fut prise d'immortaliser l'évènement chez le photographe, ou pour mieux dire, d'inviter le photographe à rassembler toute la noce dans sa boîte noire. Cela nous vaut depuis le début du siècle ces photos de groupes, où chacun est figé dans l'attente du « petit oiseau ». Le temps d'exposition, interminable, la solennité du moment, le désir d'apparaître sous son meilleur jour, tout incitait les mariés et invités à la gravité et la componction, au risque de donner une image fausse du climat général des festivités.

    Car un mariage, c'était l'occasion, aussi, de boire, « d'arroser ça », d'ouvrir une parenthèse dans la monotonie et la durée des jours ordinaires. L'importance de la noce se mesure à contrario, par opposition aux difficultés du temps. Elle rassemblait souvent des familles qui tiraient le diable par la queue ; au moins pendant ces quelques jours de réjouissances, on s'efforçait de mettre le quotidien entre parenthèse et de faire fête à l'espoir de jours meilleurs incarnés par le nouveau couple.

    danse de l'aire neuve

    De ces jours de fête, il nous reste des cartes postales et des photos de famille, mais en noir et blanc, sans la splendeur colorée des costumes, les ors des plastrons tranchant avec la blancheur des ceintures de fleurs d'orangers et bien sur des coiffes, qui entament leurs envol. Car les noces, ne l'oublions pas , étaient aussi une fête pour les yeux.